Faut-il sauver le soldat
Jbeli ?
Désavoué par son propre parti
« Ennahdha », timidement soutenu par une opposition, certes, secouée
mais fortement déterminée après l’assassinat, lâche, du leader Chokri Belaid,
le Chef du gouvernement provisoire tunisien joue un combat politique des plus
serrés. Le dernier, peut être…
Son annonce fulgurante, en toute âme
et conscience, mercredi dernier, de former un gouvernement composé de
technocrates apolitiques a pris à contre-pied toute la classe politique. Le
moment s’y prêtait, a soutenu M. Hamadi Jbeli et son initiative se veut,
surtout, une réponse salvatrice à une situation cruellement délicate que
traverse le pays, désormais, en plein désarroi.
En tant que chef, effectif, de
l’exécutif, le secrétaire général du parti au pouvoir a voulu faire valoir son
esprit patriote et assumer la responsabilité d’un échec, inavoué, de son
gouvernement.
Sa décision, se défend-il, est mûrement
réfléchie et est prise après moult concertations d’anciens politiciens et de
sources sécuritaires… Son souci de l’intérêt national mis au-dessus des
intérêts partisans, affirme-t-il, l’a guidé dans ce choix. Bref, M. Jbeli
semble prendre de la hauteur, comme par enchantement, en endossant un nouveau
rôle celui du père protecteur de la patrie…
Médusés, les partis politiques, ont,
d’abord, à l’unanimité, salué « l’acte de bravoure » d’un vrai Homme
d’Etat mais rapidement, comme pour se rattraper, des « il est allé
trop loin » ou « c’est tard et pas assez » fusent de
tous bords… dévoilant des intérêts politiques aussi
divergents que contradictoires…
Les plus opposés à cette initiative
sont, ironie du sort, ses propres partisans, du moins, les organes dirigeants
de son parti !!! Le refus de cette initiative lui est clairement signifié.
Pis encore, il est officialisé par le Conseil de la « Choura »…
Le parti « Ennahdha » ou
« le grand frère » selon les dernières dires de M. Rached Ghannouchi,
embarrassé et hanté par le spectre d’une division interne et surtout par la
perte d’un pouvoir acquis non sans mal… et auquel il s’agrippe bec et ongles,
élabore une stratégie, sujette aux aléas des positions politiques prises tant à
l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, pour contrecarrer l’initiative de M.
Jbeli.
C’est ainsi que, rapidement, des
éléments de langage bien rôdés sont mis en place. On multiplie les
interventions et on tient ce même discours qui épargne le Chef du gouvernement
de toute attaque verbale, qui ne tarit pas d’éloges son courage et son action
envers le pays et qui ne parle pas de faute politique mais d’erreur
d’appréciation... Seulement, on lui fait comprendre, que son « courage »
ne doit pas aller à l’encontre de « la légitimité des urnes » et
que cette phase transitoire est politique par excellence…
La base d’Ennahdha et celle des mouvances
convergentes sont sollicitées et mobilisées à la hâte pour défendre la
légitimité… du gouvernement et de l’assemblée nationale constituante …, menacés,
paraît-il, mais il semble que cette marée humaine, tant attendue, n’a pas
déferlé à l’avenue Bourguiba…
Mais, au vu de l’accélération des
événements et craignant son isolement politique, Ennahdha, joue la carte de l’apaisement
en proposant, par la voix de son président, un gouvernement de coalition
nationale !!! Mais avec quel programme ? Avec quels partis ?
A qui seront attribués les ministères régaliens ? Qui sera le nouveau Chef
du gouvernement ? Plusieurs points d’ombre subsistent pour considérer
cette offre comme un plan de sortie de crise … un vrai …
Quant à l’opposition, elle est
sortie, une fois encore, divisée. Et, si une partie d’entre elle, le pensant
sincère, accorde à M. Jbeli toute sa confiance, une autre frange de
l’opposition, plus sceptique, rejette l’initiative de fond en comble et propose
un congrès de salut national et la formation d’un gouvernement de crise… la
seule voie susceptible de réaliser les objectifs de la révolution !!
D’autres voix avancent l’idée d’un stratagème machiavélique diaboliquement
monté par Ennahdha pour détourner l’attention de l’opinion publique et
desserrer l’étau qui l’étouffe après l’assassinat, sans scrupules, du militant
Chokri Belaid. Bref, ce n’est qu’un simple écran de fumée qui ne peut piéger
que les plus crédules!!!
Et pendant ce temps, à la recherche
d’un consensus aussi large que possible, condition sine qua none pour sa
survie politique, M. Jbeli concerte les partis politiques, sollicite leur
adhésion à son entreprise et s’entoure d’un Conseil de Sages composé de seize
personnalités nationales dont le rôle semble évident. Sa détermination dans la
ligne qu’il a fixée est, apparemment, inébranlable …
Loin d’être isolé, comme le
prédisaient et souhaitaient ses détracteurs, M. Hamadi Jbeli gagne des appuis
de poids. C’est ainsi que la puissante centrale syndicale, l’UGTT, soutient, sous
conditions, son initiative ainsi que l’un des membres de la troïka, le parti
Ettakatol mais aussi des organisations professionnelles et des associations de
la société civile. Et, d’autres « conquêtes », encore, sont en vue…
Devant ces rebondissements, le parti
islamiste essaie d’éviter tout affrontement. Mais la marge des manœuvres se
rétrécit comme une peau de chagrin et les alternatives semblent se réduire soit
à la démission de M. Jbeli, soit à la sortie, non glorieuse, d’Ennahdha du
gouvernement !!!
Jbeli est-il allé trop loin ? Ce bras de
fer engagé l’épargnerait-il des foudres de son propre parti ? Son
désengagement de la feuille de route tracée par les hautes instances d’Ennahdha
lui serait-il fatal ? La hache de guerre serait-elle déterrée ? Faut-il
sauver le soldat Jbeli ?
En attendant que cette guéguerre entre les
« colombes » et les « faucons » d’Ennahdha ne livre son
verdict, des vautours et des hyènes, des charognards gèlent leur position et
attendent, au portillon de Montplaisir, le partage du gâteau… du grand gâteau…
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