mercredi 25 mai 2011

Le troisième homme ?!!

La longue liste des martyrs tunisiens s'est allongée ce mercredi 18 mai 2011 avec la mort, au champ d'honneur, du Lieutenant-colonel Tahar Ayari et du Caporal Chef Walid Hajji. Leurs noms sont, désormais, gravés, à tout jamais, en lettres d'or, dans le cœur des tunisiens. Gloire et honneur à eux !!! Et, un prompt rétablissement au sergent Seghaïer Mbarki blessé au cours des mêmes circonstances.

Nos deux militaires sont morts en accomplissant leur devoir sacré celui de la défense de l'intégrité du territoire national. Ils se sont opposés à une bande armée dont l'unique dessein est de semer la panique et la terreur dans un pays fragilisé et meurtri par tant de complots lâches et abjects.

Ces événements sanglants, qui ont secoué la paisible ville de Rouhia, ont, certes, mobilisé tout un peuple et ont ravivé ce patriotisme qu'on croyait éteint mais, force est de constater, que quelques points d'interrogation demeurent en suspens et alimentent cette suspicion toujours d'actualité.

Très tôt, cet événement, inédit et gravissime, a été rapporté, de prime abord, par les réseaux sociaux et, bientôt, relayé par tout l'espace médiatique non sans risque de désinformation et/ou de manipulation.
Ce n'est que vers midi que l'Agence Tunis Afrique Presse (TAP) publie l'information phare de la journée sur son site (http://tap.info.tn/fr/), sous l'intitulé de " Echange de tirs à Rouhia faisant trois morts" où on peut lire in-extenso ceci: " Deux ressortissants qui seraient d'origine maghrébine ainsi qu'un membre de l'armée nationale ont trouvé la mort lors d'un échange de tirs qui a eu lieu mercredi dans la ville de Rouhia ( SILIANA), apprend-t-on de source sécuritaire.".
Et, le "communiqué" d'ajouter : " Des témoins oculaires ont indiqué au correspondant de la TAP que les deux personnes s'étaient dirigées vers la station des louages ( grands taxis) dans la ville de Rouhia en possession de grandes valises, ce qui a attiré l'attention des passagers qui ont vite informé les unités de l'armée nationale. A l'arrivée de l'armée, les personnes suspectes ont pris la fuite. Elles ont été poursuivies et abattues. Les deux personnes portaient des ceintures explosives. Leur identité sera révélée par les experts en explosif attendus sur les lieux.".
Vous avez noté, sûrement, cette concordance, à propos du nombre d'assaillants, entre la source sécuritaire et les témoins oculaires. Il s'agit, donc, de DEUX terroristes. Ce nombre va, de façon abracadabresque , changer et, là, est toute la question, à la fois troublante et légitime, POURQUOI ???
L'opacité de l'information relative aux événements de Rouhia va s'installer crescendo et de façon méthodique. Des experts s'y mêlent. Une parfaite "machination" va être montée et un vrai travail de professionnels s'opèrera, en un temps record, s'appropriant l'affaire et l'orientant délibérément. Voici les faits.
  •  Le soir même, au cours de son intervention dans le Journal télévisé de 20 heures de la première chaine de télévision nationale, M. Nabil Abid, directeur général de la Sûreté nationale au ministère de l’Intérieur, a affirmé que les deux terroristes tués par les forces de l’ordre et l’armée à Rouhia, ne sont pas des libyens, mais des tunisiens qui font partie d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Il a, également, précisé que tous les moyens sont mis à la disposition de toutes les unités sécuritaires pour mettre la main sur le terroriste en fuite, Nabil Ben Mohamed Ben Ahmed Saadaoui
  • Moins d'une heure après cette intervention, l'agence Tunis Afrique Presse (TAP) publie un communiqué du ministère de l'Intérieur reprenant les mêmes éléments langagiers évoqués précédemment. On y confirme cette version des "faits" : "Lors de ces accrochages, deux terroristes ont trouvé la mort. Le troisième a pris la fuite". Aussi, remarquons-nous ce nouvel élément mentionné dans ledit communiqué qui dévoile que, depuis quelques jours, les forces de sécurité et de l'armée suivent les traces de groupes d'individus qui se sont infiltrés, récemment, dans le territoire tunisien. Seulement, on n'y précise ni leur nombre ni leurs identités ?!!
  • Le "stratagème" mis en place semble bien fonctionné, car le même soir, le ministère de l’Intérieur publie via sa page Facebook  la photo de Nabil Ben Mohamed Ben Ahmed Saadaoui le qualifiant de très dangereux. "Cet homme en fuite est activement recherché par les services de sécurité pour sa participation aux affrontements de ce matin dans la localité de Rouhia (Siliana)".  Peut-on lire dans ce communiqué.
  • Et, couronnant cette démarche, la première chaine de télévision nationale reprend le communiqué du ministère de l'Intérieur et le diffuse quotidiennement comme si aucun doute ni le moindre soupçon n'existerait.
Nous voilà, donc, en présence d'un troisième homme très dangereux, fanatique, membre d'AQMI, vivement recherché et ayant participé à la fusillade du mercredi. Le-croyez-vous??
Aussi, essaie-t-on de nous faire avaler cette pilule malgré les témoignages concordants émanant de la ville de Rouhia réfutant la thèse officielle.
Et, malgré aussi, le reportage réalisé par la première chaine de télévision montrant le témoin principal, félicité, par ailleurs, au sein du ministère de l'Intérieur, pour bravoure et acte héroïque, qui confirme qu'ils n'étaient que deux terroristes à la gare routière.
Le terrorisme, je vous l'accorde, n'est pas, à l'heure actuelle, un épouvantail mais une réalité, une menace vraie mais on ne doit pas l'exploiter pour d'autres fins aussi obscures que louches.
Deux questions, pour conclure, me tourmentent :
1.     Pourquoi a-t-on ajouté un troisième homme?
2.     Pourquoi, précisément, le dénommé Nabil?
On a le droit de savoir même si la raison d'Etat s'y oppose!!

samedi 14 mai 2011

La grande muette rompt le silence

Bien malgré elle, l'armée nationale s'est trouvée, ces derniers jours, dans la tourmente d'une actualité incontestablement chaude et terriblement désolante.

Les déclarations fracassantes de l'ex-ministre de l'intérieur, M. Rajhi, ont ébranlé tout l'appareil militaire et ont terni l'aura sous laquelle il flottait depuis l'avènement de la révolution de la dignité.

Les accusations de M. Rajhi, sombres et dangereuses dans leur contenu et non orthodoxes dans leur forme, ont eu, immédiatement, l'effet d'une bombe à fragmentation. Les réactions ne se font pas attendre reflétant un état général de suspicion, de vives tensions et une prédisposition manifeste à tout croire même le plus invraisemblable.

Et même, le volte-face de "Mr Propre", des heures après la diffusion des vidéos de l'interview sur les réseaux sociaux, n'a pas détendu une situation "fatalement" crispée.

Tout le monde s'y mêle. Les enjeux sont de taille et la mise à nu de la "vérité" et de ses acteurs attire la foule, crée le "buzz" et fait bouger les lignes ... Que le spectacle commence !!!

Inéluctablement, le "jeune premier" et le plus "touché" est le général de corps d'armée, chef d'Etat-major des armées et chef d'Etat major de l'armée de terre, M. Rachid Ammar. L'image de "L'homme qui a refusé de tirer sur le peuple" est entachée. Il est soupçonné de préparer un coup d'Etat militaire en cas de réussite des islamistes aux élections du 24 juillet et d'avoir rencontré le président déchu à Qatar. Des accusations graves, certes, qui ont déboulonné une "icône" de la révolution de son piédestal. Désormais, le Général est sur la sellette et les rumeurs les plus folles à son encontre pullulent la toile et asphyxient une atmosphère déjà nauséabonde.

Sur cet air de complot se faufilant, les forces armées, par le biais du Ministère de la Défense Nationale, émettent un communiqué dont la teneur est directe et sans équivoque.

Elles soulignent, d'abord, que " ces propos tendancieux ne doivent nullement être pris à la légère et qu'ils représentent un danger d'une extrême gravité pour la révolution du peuple tunisien et pour la sécurité du pays, au présent et à l'avenir".

Elles n'accordent, ensuite, aucune spontanéité à ces propos qu'elles qualifient de prémédités et "nécessitent un examen approfondi de leurs sous-entendus et visées", une action qui relève uniquement de la compétence de la justice qui prendra son cours normal dans le cadre de son indépendance totale, "afin que l'on puisse distinguer le vrai du faux et qu'aucune partie ne puisse se jouer, à l'avenir, de la sécurité du pays ou contourner les principes de la glorieuse révolution".

Et, rappellent, enfin, l'abnégation et la détermination de l'armée "à poursuivre l'accomplissement de son devoir en vue de préserver le régime républicain et la révolution de la jeunesse tunisienne". Ce communiqué a, déjà, le "mérite" d'être le premier d’une série à venir !!!

Cette démarche ferme du Ministère de la Défense Nationale montera en puissance au fil des jours et prendra d'autres formes. La censure, en prime, mais pour ne pas éveiller les "ammar" qui somment dans le pays, on préfère utiliser le verbe "filtrer" !!

C'est ainsi que quatre pages web, au moins, ont été censurées par l'Agence Tunisienne d'Internet (ATI), en application d'une réquisition émanant du juge d'instruction auprès du tribunal militaire permanent de Tunis.


Les raisons évoquées sont la diffusion " de séquences vidéo, de commentaires et articles fallacieux dans le but de porter atteinte à l'institution militaire et à ses hauts cadres, à la confiance du citoyen à l'égard de l'armée nationale et à semer la confusion et le désordre dans le pays".

Une autre "prise" de notre armée nationale, dont nous nous contentons de relater les faits sans plus, est le déferrement devant la justice militaire du président déchu, de son ancien ministre de l'intérieur et d'un haut cadre de la sécurité. Cette décision a été adoptée "conformément aux règles de la compétence d'attribution", précise le communiqué du ministère de la Justice daté du 11 mai 2011.

Mais là où le bât blesse c'est ce bras de fer qui est, en train, de s'engager, par communiqués interposés et non seulement, entre le Ministère de la Défense Nationale et l'Association des Magistrats Tunisiens (AMT) sur le cas du juge Farhat Rajhi mais appelons ceci, en termes de polémique : L'affaire "Rajhi".

C'est ainsi que dans un communiqué daté du 9 mai 2011, le bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens (AMT), a appelé le gouvernement provisoire "à suspendre les procédures visant à lever l'immunité judiciaire du Juge Farhat Rajhi et à revenir sur son intention de le poursuivre pénalement, l'objectif étant d'éviter la dégradation de la situation judiciaire et de la conjoncture générale dans le pays". Un rejet cinglant du Ministère de la Défense Nationale a été signifié, ce 13 mai 2011, au bureau exécutif de l'Association des magistrats tunisiens (AMT) en soulignant :" que personne n'est au-dessus de la loi, y compris les membres du corps judiciaire". Et d'ajouter, clairement, que "la réunion du Conseil supérieur de la magistrature est une question formelle, pour lever l'immunité judiciaire de Farhat Rajhi et ouvrir la voie aux autorités judiciaires ayant en charge le dossier, d'enquêter et de réaliser ses investigations en toute neutralité et indépendance dans le cadre du respect du régime républicain et de la révolution de la jeunesse tunisienne".

Quel "délit" reproche-t-on à M.Rajhi ? Une simple opinion ou des actes incriminés par la loi ? Les positions sont diamétralement opposées. Le différend est profond. Aussi, risque-t-il de dégénérer, à notre grand dam, à moins de trouver une issue réconciliatrice...

L'armée est-elle dans son rôle ? On a le droit de s'interroger.

Car, à l'heure où le pays, à l'aube d'une révolution inachevée, se cherche, s'impatiente et doute souvent, la théorie du complot s'amplifie et se propage.

Car, à l'heure où une situation explosive à nos frontières du sud, risque, à tout instant, de s'embraser.

Car, à cette heure, en ce moment, les tunisiens ont besoin de leur armée, responsable, intègre et républicaine.

Nous, tunisiens, d'une voix solennelle, appellons nos forces armées, notre première ligne de défense et notre dernier bastion contre nos ennemis, à rester au-dessus des mêlées politiciennes, loin des marionnettistes et à ne pas rompre le silence ...

lundi 2 mai 2011

Lettre ouverte à notre ami le Président Nicolas Sarkozy


Monsieur le Président de la République Française :

L'Ulysse de ces temps-ci est, inéluctablement, tunisien. Et la tragédie est bel et bien tunisienne. Mais, à la différence de l'Odyssée d'Homère, l'héros n'est pas un individu seul mais 25 000 rescapés et des dizaines de faux-espoirs gisant au fond de la méditerranée !!!

Monsieur le Président de la République Française :

L'histoire de ces jeunes, longtemps occultée par un pouvoir hideux trop soucieux de soigner son image que de leur avenir, émerge de nos jours ... dérangeante et choquante. Elle se résume, je vous l'assure, en trois mots : chômage, misère et ... mirage.

N'attendant pas les fruits de la révolution de la dignité, pourtant la leur, ces jeunes se sont "inscrits" dans une folle entreprise aux conséquences incertaines. Candidats à l'émigration clandestine, ils ont confié leurs "âmes" et toutes leurs économies à ces diables de marchands de rêves ... ces passeurs sans scrupules.

En catimini, ils ont pris une mer, souvent hostile, navigant dans des embarcations de fortune et laissant, derrière eux, des êtres chers terriblement inquiets. Leur point de mire est la petite île italienne de Lampedusa, le premier rocher de la citadelle Europe et la porte d'entrée au vieux continent riche et accueillant, leur a-t-on raconté...

Leur voyage, périlleux, s'il arrive à terme, n'aura pris qu'une vingtaine d'heures et les voilà arrivés dans leur Eldorado. Leur "Ouf" de soulagement, en accostant la terre ferme, ne sera que de courte durée. Très vite, ils se sont rendus compte qu'ils n'étaient pas les bienvenus. Ce rappel amer à la réalité a, violemment, secoué ces réfugiés économiques. Et le doute alla, crescendo, s'installer...

Monsieur le Président de la République Française :

Pris en charge par les carabiniers, ils sont emmenés vers leur premier point d'ancrage italien : le centre de secours et d'accueil rouvert pour l'occasion. Les conditions d'hébergement y sont inhumaines. Ils seront transférés, par la suite, sur le continent dans des centres de rétention. Mais, la quasi totalité de ces "clandestins", n'ont pas l'intention d'y demeurer. Ils clament haut et fort leur intention de rejoindre la France, terre d'accueil et pays des droits de l'Homme avec lequel des liens historiques et "culturels" ont été tissés au fil des temps.

Monsieur le Président de la République Française :

Mais, la réponse de votre pays ne se fait pas attendre ... directe et sèche à la limite de la xénophobie tels les propos tenus par Mme Chantal Brunel, députée de votre famille politique, qui suggère de les "remettre dans les bateaux" ??!!!

Monsieur le Président de la République Française :

La Tunisie et l'Italie ont conclu un accord stipulant la régularisation de 22.000 Tunisiens en situation irrégulière en leur accordant des titres de séjour leur permettant de circuler librement dans les pays de l'espace Schengen. Vous y étiez opposé. Votre véto s'est fait retentir brutalement.

Et, les instructions du ministère de l'Intérieur pour limiter l'impact de cette éventuelle arrivée y vont dans le même sens. Elles illustrent, en imposant cinq conditions quasi impossibles à honorer par nos émigrés, une insouciance au sort de ces milliers de victimes[1] et une envie pressante de se débarrasser de ce "fléau".

Monsieur le Président de la République Française :

Nous apprenons, chaque jour, par les médias, des informations alarmantes sur la situation de nos frères tunisiens sur votre territoire. Ils y sont persécutés, au mieux, confinés, comme des bêtes sauvages, dans des squares...

Leur condition de vie est si précaire qu'elle nécessite encadrement et accompagnement social et sanitaire.

Monsieur le Président de la République Française :

Je sais que la France ne peut pas "accueillir toute la misère du monde" mais, face à cette situation exceptionnelle, des solutions inédites devraient être trouvées.

Pourquoi ,comme le proposait le Parti Socialiste Français, ne vous appliqueriez pas la directive européenne de protection temporaire, qui a été créée pendant la guerre des Balkans, et "qui prévoit, dans des circonstances exceptionnelles, un accueil solidaire au sein de l'UE de populations fuyant des troubles."??

Ou bien, vous, occidentaux, qui avez créé, il y a des années, le droit, très controversé, "à l'ingérence humanitaire" et puis, en version 2, le "Droit de défendre la population civile", ne pourriez-vous pas inventer le "Droit d'accueil humanitaire"???

Monsieur le Président de la République Française :

Je sais que le moment "choisi" par ces jeunes tunisiens constitue une aubaine, pour vous personnellement, dans votre quête des voix de l'électorat de l'extrême droite.

Je sais que les sondages des présidentielles ne vous sont pas favorables et que, par votre position, vous espérez inverser les tendances.

Il est évident que vous agissiez selon un agenda électoral mais ces rescapés ne méritent pas des surenchères politiciennes. Ce sont des cas humains en détresse.

Le Général De Gaules, dont vous réclamez l'héritage politique, aurait-il agi de cette manière?? Je ne le pense pas !!!

Tunis le 2 Mai 2011