dimanche 12 janvier 2014


«J'accuse!»: Lettre détournée d'Emile Zola au président de l'Assemblée nationale constituante (ANC) à propos des menaces de mort à l'encontre du député Mongi Rahoui, alimentée par une accusation du député Habib Ellouze.
Monsieur le Président de l'ANC,
Me permettez-vous de ne pas me soucier du peu de gloire qui vous reste et de vous dire, sans détours, que votre carrière politique, qui touche à sa fin, est menacée de la plus honteuse, de la plus ineffaçable des taches?
Vous apparaissez rayonnant dans l'apothéose de cette fête patriotique qui est le parachèvement du texte de la constitution tunisienne et que ce solennel triomphe, s'il arrive à terme, vous sera attribué à tort ou à raison... et que vous vous appropriez sans état d'âme!
Mais quelle tache de boue sur votre nom – j'allais dire sur votre conscience – que cette abominable affaire Mongi Rahoui!
Un «fou d'Allah» vient, sur les ondes d'une radio, oser accuser un élu du peuple de mécréant, d'«ennemi de l'islam» et qui équivaut, en ces temps, à un appel au meurtre.
Un soufflet suprême à toute tolérance, à toute liberté et l'Assemblée nationale constituante a sur le front cette souillure, l'histoire écrira que c'est sous votre présidence qu'un tel acte haineux a pu être commis.
Puisqu'il a osé, ce tristement célèbre Habib Ellouze, oseriez-vous prendre, à son encontre, les mesures appropriées conformément à la loi et au règlement intérieur de l'ANC? Oseriez-vous appuyer l'amendement de l'article 6 qui consacrera, noir sur blanc la criminalisation du «takfir» (accusation d'apostasie ou de mécréance), et de l'«appel à la violence et à la haine»?
Ah! Le néant de l'acte d'accusation! Qu'un homme ait pu être condamné et que sa vie soit menacée pour avoir exprimé une opinion différente, c'est un prodige d'iniquité!
La responsabilité du «cheikh» est clairement engagée. Et, comme pour tout extrémiste, sa vérité est sainte, une vérité qui ne se discute même pas. Il n'y a donc, de sa part, que de l'incurie, de la sottise et de l'inintelligence.
Je l'accuse d'incitation à la haine et d'appel à l'hostilité et à la violence.
Par son acte discriminatoire et son refus de formuler des excuses explicites, il est mis au ban de la société.
Votre devoir est d'engager les procédures visant la levée de l'immunité parlementaire du député Habib Ellouze et de défendre un innocent, jeté en pâture, qui expie, dans la plus affreuse des tortures, un crime qu'il n'a pas commis.
J'attends.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma profonde indignation.