Prétendant que toutes les conditions
sont réunies (sécurité, respect des droits de l'Homme, justice indépendante et
équitable...) selon les dires de plusieurs responsables de la majorité au
pouvoir dont, notamment, Me Abbou, le gouvernement tunisien provisoire vient, en
conséquence, d'extrader, en catimini, un dimanche matin, l'ex premier ministre dans
le régime de Kadhafi Mr Al- Baghdadi Al-Mahmoudi vers la Libye... vers un
destin aussi prévisible que cruel ...
Les motivations du gouvernement Jbeli, les
vraies, ne sont ni obscures, ni opaques aux yeux clairvoyants du simple citoyen.
Elles sont, en effet, étalées, commentées et caricaturées, depuis des semaines,
sur les réseaux sociaux.
Mais quelles que soient ces motivations,
qu'elles soient animées par des raisons financières ou motivées par un souci sécuritaire
ou encore dictées par un certain Realpolitik , le gouvernement de
transition a, en contre partie, cédé à un abject chantage et à un vil diktat.
Le Premier ministre libyen Abdel Rahim al-Kib déclarait, à ce propos, : "A
la suite d'intenses efforts diplomatiques déployés par le gouvernement
intérimaire libyen (...), le gouvernement libyen a reçu aujourd'hui Al-Baghdadi
Al-Mahmoudi.".
Le gouvernement tunisien vient de
commettre, sur un plan humain, l'irréparable : jeter un homme en pâture. Cela
constitue une faute, une gravissime faute de gouvernance ... une faute de
plus...
Mr Al-Mahmoudi est, désormais, livré à
son sort. Il est, dans son propre pays, en territoire ennemi. Son
intégrité physique est en danger avant même qu'un simulacre de procès soit
monté. Il n'est pas à l'abri de tous les sévices corporels voire d'un lynchage pur et dur à l'instar de
tous ces hommes et de toutes ces femmes de l'ancien régime. Les multiples
vidéos circulant sur le Web et les différents rapports des organisations de défense des droits de l'Homme en sont la
preuve irréfutable.
Le gouvernement tunisien le savait.
Mais, il continue à le nier, pis encore, il affirme que, selon le rapport de la
commission envoyée en Libye, l'ex-Premier ministre est assuré d'avoir
un procès équitable et, sur la base des engagements faits par le gouvernement
libyen, d'être protégé contre toute agression physique ou morale.
Seulement, voilà que Me Abdessatar Ben
Moussa, président de la Ligue Tunisienne pour la défense des Droits de l'Homme
(LTDH), a démenti cette version en soulignant que les conditions actuelles en
Libye, avec l'absence de stabilité sur le plan sécuritaire et une autorité
légitime à la tête du pays, ne permettent pas à Al- Baghdadi Al-Mahmoudi d'être
traité correctement et jugé équitablement...
Plus dure, encore, et plus virulente fut
la réaction du président du comité de défense de l’ex premier ministre libyen,
Me Béchir Essid qui qualifie de méprisable cette extradition et la
considère comme étant une catastrophe et un stigmate indélébile qui
marquera à jamais l’histoire de la Tunisie. Et d'ajouter :" Cette
décision est contre toutes les valeurs humaines, déontologiques ou encore
religieuses.". Il fait par ailleurs porter la responsabilité des
éventuelles retombées de cette décision sur le gouvernement.
De partout et de différents médias,
fusent les commentaires, à l'unisson, ils crient au scandale et expriment toute
l'indignation ressentie. C'est ainsi que le palestinien Abdel Bari Atwan,
patron du journal Al Quds Al Arabi n'a pas mâché ses mots en postant sur son
compte twitter ceci :" Les
fonctions et les intérêts priment sur les Droits de l’Homme, malheureusement".
Et de rappeler aux autorités tunisiennes que les révolutionnaires de Zintène
ont carrément refusé de livrer Seïf El Islam Kadhafi au gouvernement
intérimaire libyen !!! Bref, un exemple à méditer sous entend le journaliste.
Mais dans tout ce tintamarre médiatique
et dans ce brouhaha de la foule qui monte ... monte ..., que fait le Président
Provisoire de la République?!!! N'est-il
pas l'un des Chefs de l'exécutif ?!!! Car, ils en sont deux !!! La réponse est
à la fois bouleversante et kafkaïenne : il est le dernier à le savoir !!!
Ni concerté, ni, même, mis dans la
confidence de l'opération ,en cours, de l'extradition de Mr Al-Mahmoudi, Mr
Marzouki est hors-jeu dans une affaire , pourtant, d'Etat qui l'engage
totalement, du moins, en partie !!!
Abattu, nous informait l'un de ses
conseillers, sa réaction fut exprimée par le porte parole de la présidence et
non pas par une allocution télévisée ou par une conférence de presse.
Ainsi, nous apprenons que la
présidence de la République exprime son refus de la décision du chef du
gouvernement d'extrader M. Mahmoudi et considère que cette décision est
illégale surtout qu'elle a été faite d'une manière unilatérale et sans
concertation du président de la République.
Trop fort !!! mais Mr Marzouki n'ira pas
loin ... Son porte parole est rappelé à l'ordre. Les ministres nahdhouis
montent au créneau et au nom de l'intérêt suprême de la Tunisie, la
"polémique" n'a raison d'être et l'affaire doit être étouffée...
Et malgré toutes les voix lui demandant
de préserver sa dignité ... en démissionnant, tout à son honneur, le "prisonnier"
du palais de Carthage garde un silence lourd et pesant. L'ancien Président de
la ligue tunisienne des droits de l'Homme ne franchira pas le pas.
Il a beau
afficher sur le mur de son compte officiel de facebook cette citation de Sacha
Guitry "Il est idiot de vouloir
changer le monde, mais il est criminel de ne pas essayer", mais le
Président provisoire démontre, de
manière flagrante, son impuissance et risque de perdre et son actif de
défenseur acharné des droits de l'Homme et le peu de crédibilité qui lui
reste...
Quant à
la convocation de l'assemblée constituante pour questionner le gouvernement sur
cet acte non sans conséquences, elle n'est qu'un mirage et fruit d'une naïveté
politique ...
L'affaire
Al-Baghdadi Al-Mahmoudi fait mal à la Tunisie.
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