mercredi 16 mars 2011

Caïd Essebsi VS Ghannouchi: et si ce n'était qu'une question de style ?

Le soupçon de répit qu'a vécu le pays les quelques jours qui ont suivi la levée ou la suspension, à vrai dire, des sit-in "célèbrement" médiatisés de la Kasbah et de la Coupole d'El Menzah, a donné l'impression, juste une impression, d'un retour à la normale. Mr Béji Caïd Sebsi, le nouveau premier ministre désigné, en a tiré habilement profit allant jusqu'à s'approprier ce calme précaire et se distinguer de la politique de son prédécesseur.
Le tempo d'une "nouvelle" phase politique a été donné par le Président de la République par intérim lors de son allocution télévisée du 3 Mars dernier. Une image plus soignée, une présence remarquée et un discours assuré et rassurant ont donné le sentiment que le pays s'éloigne du vide et du chaos...
Les mêmes éléments langagiers seront repris par le nouveau chef de l'exécutif de façon décontractée devant un parterre de journalistes et en présence des membres du gouvernement transitoire. Le décor, planté, est "intelligemment" choisi et transparent à l'instar de ce pupitre de conférence en Plexiglas utilisé. L'homme a réussi, ce jour là, à marquer des points, à séduire voire à conquérir le cœur d'une partie des tunisiens en quête de repères, de chemin balisé...La magie de la communication a bien fonctionné.
Les progrès en matière de communication ne peuvent à eux seuls satisfaire ou du moins absorber ce flux non canalisé de malaise, de révolte, d'insurrection... La responsabilité du gouvernement, même provisoire, est engagée. Il ne peut se dérober à accomplir les tâches qui lui incombent en cette phase transitoire. Mais les a-t-il définies ? Sont-elles à la hauteur des attentes de la population ? Permettent-elles de mener à bon port le pays ? La réponse ne peut être, hélas, que négative au vue de quelques faits avérés et si préoccupants qui viennent confirmer que la rupture avec la politique menée par Mr Ghannouchi n'a pas eu lieu et que notre pays est toujours dans la tourmente post-révolution. Une instabilité inquiétante qui ne peut être favorable qu'aux ennemis du changement, le vrai.
Le mouvement annoncé des délégués, responsables administratifs locaux nommés par le ministre de l'intérieur, issus dans leur majorité du RCD s'inscrit dans une ligne suspecte et condamnable qui a choqué et indigné nos concitoyens. Puis, face aux pressions exercées, le gouvernement est obligé de reculer par la voie d'un communiqué émis à l'issue d'un mini conseil ministériel réuni le 14 Mars !!!
Cette prestation politique, indécise voire douteuse, ne rappelle-t-elle pas un passé fort récent ? Cette "maladresse" de l'exécutif dont le chef est pourtant, selon la journaliste Souhayr Belhassen, intelligent, alerte et pragmatique sera-t-elle lourde de conséquences ?
N'était-il pas plus opportun de confier cette mission à nos "énarques" dont la compétence n'est plus à démontrer ? Ou à nos jeunes diplômés du supérieur dans un geste fort en symboles et en symbiose avec l'essence même de la révolution : le droit à l'emploi ? Une occasion ,de plus, ratée pour faire table rase d'un temps révolu.
Et puis, ce bouillonnement social, souvent non contrôlé ou encadré prouve, si besoin est, des tensions palpables et des incertitudes les plus folles. Et, c'est dans ce climat que se propagent les rumeurs et les calomnies, que surgissent nos vieux démons : le régionalisme et les rivalités tribales... Ksar Hellal et Métlaoui en sont les tristes manifestations.
Certes, le nouveau gouvernement peut, toujours, se défendre de la courte durée de son entrée en action, du contexte régional et de la situation internationale ... et de se vanter des acquis sécuritaires et politiques réalisés mais la révolution n'est pas seulement un fait divers où des caïds sont interpellés et une association de malfaiteurs démantelée. Elle est, surtout, l'expression d'un changement profond.
Le gouvernement Sebsi n'est pas mandaté pour décider du destin du pays mais, juste, de tracer les contours de la société de demain synonyme de liberté, de dignité et de justice sociale. Il ne peut ni la concevoir ni la réaliser seul mais avec le concours de cette myriade de partis politiques et d'associations de la société civile qui se bousculent au portillon de la démocratie.
Des signes forts peuvent, d'ores et déjà, être lancés tels l'instauration d'un plan "Bouazizi" pour le développement des régions de l'intérieur du pays, le lancement d'une campagne nationale de recrutement des jeunes diplômés, la prise d'un rendez-vous social, réunissant les partenaires sociaux, afin de définir les grandes lignes d'un nouveau "code du travail" (temps de travail, âge de départ à la retraite, pénibilité, droits syndicaux...), l'installation d'un siège de gouvernorat à Thala, ville martyrisée, et tant d'autres initiatives symboliques qui peuvent apporter des réponses aux interrogations d'une population "fatalement" non confiante, pressée et nerveuse...
Mr Béji Caïd Essebsi qui martèle, à chaque occasion, la fameuse phrase d'un célèbre général français :" Je vous ai compris." est appelé, plus que jamais, à agir, à oser et à s'indigner. Bref, de l'audace, monsieur le premier ministre !!!
Car, prôner une politique de statu quo et parier sur l'essoufflement de la dynamique du changement réel, comme ce fut le cas lors des deux précédents gouvernements, ne seront que des tentatives vaines et vouées à l'échec. Le Peuple est, désormais, maître de son destin.

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