mardi 26 juin 2012

Al-Baghdadi Al-Mahmoudi : un aller simple



Prétendant que toutes les conditions sont réunies (sécurité, respect des droits de l'Homme, justice indépendante et équitable...) selon les dires de plusieurs responsables de la majorité au pouvoir dont, notamment, Me Abbou, le gouvernement tunisien provisoire vient, en conséquence, d'extrader, en catimini, un dimanche matin, l'ex premier ministre dans le régime de Kadhafi Mr Al- Baghdadi Al-Mahmoudi vers la Libye... vers un destin aussi prévisible que cruel ...

Les motivations du gouvernement Jbeli, les vraies, ne sont ni obscures, ni opaques aux yeux clairvoyants du simple citoyen. Elles sont, en effet, étalées, commentées et caricaturées, depuis des semaines,  sur les réseaux sociaux.
Mais quelles que soient ces motivations, qu'elles soient animées par des raisons financières ou motivées par un souci sécuritaire ou encore dictées par un certain Realpolitik , le gouvernement de transition a, en contre partie, cédé à un abject chantage et à un vil diktat. Le Premier ministre libyen Abdel Rahim al-Kib déclarait, à ce propos, : "A la suite d'intenses efforts diplomatiques déployés par le gouvernement intérimaire libyen (...), le gouvernement libyen a reçu aujourd'hui Al-Baghdadi Al-Mahmoudi.".
Le gouvernement tunisien vient de commettre, sur un plan humain, l'irréparable : jeter un homme en pâture. Cela constitue une faute, une gravissime faute de gouvernance ... une faute de plus...

Mr Al-Mahmoudi est, désormais,  livré à  son sort. Il est, dans son propre pays, en territoire ennemi. Son intégrité physique est en danger avant même qu'un simulacre de procès soit monté. Il n'est pas à l'abri de tous les sévices corporels  voire d'un lynchage pur et dur à l'instar de tous ces hommes et de toutes ces femmes de l'ancien régime. Les multiples vidéos circulant sur le Web et les différents rapports des organisations  de défense des droits de l'Homme en sont la preuve irréfutable.

Le gouvernement tunisien le savait. Mais, il continue à le nier, pis encore, il affirme que, selon le rapport de la commission envoyée en Libye, l'ex-Premier ministre est assuré d'avoir un procès équitable et, sur la base des engagements faits par le gouvernement libyen, d'être protégé contre toute agression physique ou morale.
Seulement, voilà que Me Abdessatar Ben Moussa, président de la Ligue Tunisienne pour la défense des Droits de l'Homme (LTDH), a démenti cette version en soulignant que les conditions actuelles en Libye, avec l'absence de stabilité sur le plan sécuritaire et une autorité légitime à la tête du pays, ne permettent pas à Al- Baghdadi Al-Mahmoudi d'être traité correctement et jugé équitablement...

Plus dure, encore, et plus virulente fut la réaction du président du comité de défense de l’ex premier ministre libyen, Me Béchir Essid qui qualifie de méprisable cette extradition et la considère comme étant une  catastrophe et un stigmate indélébile qui marquera à jamais  l’histoire de la Tunisie. Et d'ajouter :" Cette décision est contre toutes les valeurs humaines, déontologiques ou encore religieuses.". Il fait par ailleurs porter la responsabilité des éventuelles retombées de cette décision sur le gouvernement.

De partout et de différents médias, fusent les commentaires, à l'unisson, ils crient au scandale et expriment toute l'indignation ressentie. C'est ainsi que le palestinien Abdel Bari Atwan, patron du journal Al Quds Al Arabi n'a pas mâché ses mots en postant sur son compte twitter  ceci :" Les fonctions et les intérêts priment sur les Droits de l’Homme, malheureusement". Et de rappeler aux autorités tunisiennes que les révolutionnaires de Zintène ont carrément refusé de livrer Seïf El Islam Kadhafi au gouvernement intérimaire libyen !!! Bref, un exemple à méditer sous entend le journaliste.

Mais dans tout ce tintamarre médiatique et dans ce brouhaha de la foule qui monte ... monte ..., que fait le Président Provisoire de la République?!!!  N'est-il pas l'un des Chefs de l'exécutif ?!!! Car, ils en sont deux !!! La réponse est à la fois bouleversante et kafkaïenne : il est le dernier à le savoir !!!

Ni concerté, ni, même, mis dans la confidence de l'opération ,en cours, de l'extradition de Mr Al-Mahmoudi, Mr Marzouki est hors-jeu dans une affaire , pourtant, d'Etat qui l'engage totalement, du moins, en partie !!!

Abattu, nous informait l'un de ses conseillers, sa réaction fut exprimée par le porte parole de la présidence et non pas par une allocution télévisée ou par une conférence de presse.
Ainsi, nous apprenons que la présidence de la République exprime son refus de la décision du chef du gouvernement d'extrader M. Mahmoudi et considère que cette décision est illégale surtout qu'elle a été faite d'une manière unilatérale et sans concertation du président de la République.

Trop fort !!! mais Mr Marzouki n'ira pas loin ... Son porte parole est rappelé à l'ordre. Les ministres nahdhouis montent au créneau et au nom de l'intérêt suprême de la Tunisie, la "polémique" n'a raison d'être et l'affaire doit être étouffée...
Et malgré toutes les voix lui demandant de préserver sa dignité ... en démissionnant, tout à son honneur, le "prisonnier" du palais de Carthage garde un silence lourd et pesant. L'ancien Président de la ligue tunisienne des droits de l'Homme ne franchira pas le pas.

Il a beau afficher sur le mur de son compte officiel de facebook cette citation de Sacha Guitry  "Il est idiot de vouloir changer le monde, mais il est criminel de ne pas essayer", mais le Président provisoire  démontre, de manière flagrante, son impuissance et risque de perdre et son actif de défenseur acharné des droits de l'Homme et le peu de crédibilité qui lui reste...

Quant à la convocation de l'assemblée constituante pour questionner le gouvernement sur cet acte non sans conséquences, elle n'est qu'un mirage et fruit d'une naïveté politique ...

L'affaire Al-Baghdadi Al-Mahmoudi fait mal à la Tunisie.

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